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ludoviclesven9

Avant de repartir de Kerguelen...

Dernière mise à jour : 9 mai 2022


Ca y est, l'aventure aux îles Kerguelen se termine, le Marion Dufresne montrera le bout de son nez mercredi 23 février à 8h. Nous aurons alors 3 heures pour embarquer à son bord avec nos bagages. Nos caisses de matériel seront quant à elles chargées sur ce même navire lors de la prochaine OP d'avril. Le retour en Métropole est prévue le 7 mars après de multiples changements... Le temps du bilan arrivera mais d'ici là, je vous propose une petite réflexion sur le temps ou sur cette aventure hors du temps dans ces terres australes. A bientôt!





Dans un tout petit bout du monde, j’ai rencontré le temps, l’autre temps. A l’autre bout du monde, le temps n’a pas le temps. Nul ne peut discuter avec lui, il court tout le temps ! Son planning est chargé, ses objectifs à atteindre infinis ! Il est toujours occupé ce temps de l’occident. Il avance sans jamais s’arrêter ni prendre le temps de vivre et de contempler la vie chez son frère le Tout ! Il est aussi maniaque ce temps de l’occident. Chez lui, tout est organisé, trié, découpé. Une heure n’est pas une minute. Une seconde n’est pas un siècle. Demain peut parfois arriver plus rapidement, parfois plus lentement. Mais demain arrivera toujours ! Son chant est une mélodie à deux temps qui peut inquiéter ou effrayer l’heureux qui attend le retard. En occident, ce temps, pourtant si bien rythmé, crée une frénésie citadine, un désordre anthropique. Dans les rues, sur l’asphalte noir, il marche dans une cacophonie désorganisée. Par-là, le chasseur de feuille avec son expirateur motorisé. Ici le chant strident de l’automobiliste prisonnier de la rue. Plus loin, le marteau vibro-destructeur, annonciateur d’artificiel. En occident, le temps parait hors de lui, presqu’en colère. Peut-être n’est-il pas écouté, compris ? Peut-être est-il fatigué, usé de parcourir seul ce Tout dans un rythme, une cadence infernale ? Dans ce tout petit bout du monde, le temps apparait plus apaisé, plus calme, plus à l’écoute des autres. Nous marchons ensemble. Nous contemplons ensemble. Nous écoutons ensemble. Nos sens sont en communion. Ici, il n’y a pas de cadence, il n’y a qu’imprévus dans un calme absolu. Au loin, l’albatros glisse sur des masses d’air imperceptible. Nous prenons le temps de l’observer. Du bout de ses ailes, il nous frôle. Il fait parti de cette biodiversité, de cette nature sauvage qu’il est agréable de percevoir dans ce petit bout du monde, le temps d’une pause. Sur les petits cailloux, mais aussi sur les gros, les tranchants, les tremblants, les friables, les surfeurs, les rouleurs, nous posons délicatement nos pieds, nous prenons le temps d’exécuter ce geste pourtant si familier ailleurs. Dans cet espace non tracé, nous n’évoluons pas en ligne droite avec le temps. D’ailleurs, ici, rien n’est rectiligne. Ici, le chemin n’existe pas. Il faut l’imaginer, le créer et le défaire après son passage. Peut-être est-ce cela vivre hors du temps : ne jamais reprendre les mêmes voies, les mêmes itinéraires.


Nous poursuivons notre route avec le temps. Soudain, le vent se met à souffler. Il marque de son empreinte les paysages qui nous entourent. Lui aussi apparait hors du temps. Personne ne reste indifférents à ses rugissements, surtout lorsqu’il hurle ! Les ballons gonflés à l’hélium essayent de prévoir ses faits et gestes. Mais lui reste libre, imprévisible depuis la nuit des temps. Le long de cette plage noire, nous poursuivons notre transit. Nous ralentissons. Sur ces grains bruns au bord de cet océan infini, ils sont là. Ils nous attendent patiemment depuis des siècles, une éternité. Nous avons rendez-vous avec cette nature de ce petit bout du monde, indomptée par homo-sapiens. Les beaux Royaux, les doux Papous, et tous les Gorfous évoluent en groupe, en colonie, à deux, parfois seul. Nous nous arrêtons. Nous écoutons. Nous admirons cette nature dans un temps qui parait irréel. Ici pas de montre, ni de temps limite. Pas de billet ni de place au dernier rang. Le spectacle est sur cette scène sableuse devant nous, avec nous. Sur ce plateau, chacun est spectateur, chacun est comédien. La pièce se joue en une infinité d’actes et il est même possible de ronfler en journée à l’image de ces impressionnants pachydermes marins profitant d’une halte bien méritée. En mer, sous l’eau, dans les tourbières, dans les montagnes enneigées ou les plaines humides, dans les souilles ou les rivières, la faune est partout chez elle. Dans ces paysages humides, l’eau ne s’écoule pas toujours dans les règles de la gravité. Elle joue avec le vent qui la surprend, qui nous surprend ! Sur ces terres extrêmes, dans ce petit bout du monde, nous ne vivrons que le temps d’un séjour. Parfois 1 saison, parfois 4 saisons. Ici et là, dans cette terre australe, nous ne nous installerons pas, nous n’y vieillirons pas, nous n’y mourrons pas. Un jour, demain ou plus tard, nous devrons nous rendre à l’évidence. Il nous faudra reprendre nos calendriers, nos agendas et revenir dans l’autre temps, celui de l’occident et sortir de cette bulle animal, amical non sans mal. Mais, de ces riches rencontres, de cette aventure en or, nous aurons appris à regarder le temps, à l’admirer et à comprendre l’intérêt de s’accorder parfois ou souvent une myriade de moments hors du temps et même en dehors de ce petit bout du monde.




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1 Comment


pascale.delbecq
pascale.delbecq
Feb 22, 2022

BRAVO ..... et merci à toi de nous avoir fait partager ces moments magiques, à travers tes récits, tes photographies

Dans un coin de notre tête, je crois que nous sommes un peu jaloux de tout ce que tu as pu découvrir, admirer, ressentir, de ton rêve que tu as pu réaliser mais, nous sommes aussi conscients des efforts que tu as du surmonter et c'est pour cela que "je" t'admire. Bon retour

Théâtralement vôtre.....

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