07-09 décembre 2021 – Les températures commencent à baisser à mesure que nous descendons vers le Sud de l’hémisphère Sud ! Le Marion Dufresne avale les milles, lancé en moyenne à 15 nœuds (environ 25 km/h). Le 9 décembre nous arrivons sur une limite bien particulière : le front subantarctique. C’est une limite marquée par un changement soudain de température de l’eau et de salinité (moins salée au Sud). Nous traversons également les fameux 40èmes rugissants là où les vagues et le vent grondent et grognent sans vergogne ! Les navires tanguent de bâbord à tribord sans rythme particulier : parfois doucement sur un air de piano, parfois sur une cadence plus déchaînée de rock’n’roll ! Dans cette zone de l’océan, il n’y a pas de continents, pas d’obstacles. Des conflits entre les masses d’air chaud et d’air froid naissent et permettent aux dépressions d’exprimer leur caractère diabolique. On imagine bien les skippers du Vendée Globe être dans un mélange de sentiments vis-à-vis de ces 40èmes : impatients de se bagarrer avec les vents pour accroitre leur vitesse de croisière mais terrifiés par le vacarme du souffle d’Éole sur les drisses et le mât leur rappelant la fragilité de leur embarcation ! Dans cette zone de l’océan, le froid polaire doublé d’un vent soutenu nous saisit à présent lorsque nous sortons pour admirer l’océan et les oiseaux errant ici et là. Ce paysage bleu-gris tacheté d’écume blanche quelque soit la direction de notre regard est à la fois magique, intrigant et troublant.
Nous prenons vraiment la mesure de la taille infime de notre bateau bleu et blanc sur cette immensité liquide parfois calme, souvent en ébullition. La nature est belle, nous assistons à son spectacle avec un sentiment d’humilité et de respect. Malgré tout, et bien que ces éléments nous démontrent leur potentiel puissance, nous nous sentons en sécurité dans ce petit cocon métallique. La vie est assez bien organisée, les 3 repas rythment la journée. Entre ces périodes alimentaires viennent se greffer des formations, des visites ou des périodes de travail où l’on prépare activement notre arrivée sur l’archipel de Kerguelen. Parmi les visites réalisées, nous avons eu le plaisir de découvrir le fonctionnement de l’hélicoptère qui nous déposera à Crozet et à Kerguelen. C’est la société Hélilagon, basée à la Réunion, qui a mobilisé un écureuil (pas l’animal 😉 !), un AS350B2, pour toute la rotation du Marion Dufresne (qui dure 1 mois). Un pilote et un chef mécanicien sont donc mobilisés pour ce voyage. Cette visite nous permet aussi d’appréhender le futur engin dans lequel nous monterons à 5 (en plus du pilote). C’est l’occasion de rappeler les règles qu’il faudra respecter… Le 8 décembre, nous avons également visité la salle des machines du Marion Dufresne. C’est toujours intéressant de voir le fonctionnement d’un tel navire. Nous avons pu ainsi voir les moteurs, les réseaux de tuyauteries, les chaudières. Nous avons également pu découvrir la dynamique de stabilisation qui s’opère continuellement grâce au ballaste. Chaque chose est à sa place, chaque place est occupée et réfléchie comme la répartition des eaux, du gazole et des containers pour atteindre un équilibre presque parfait ! Dans ce monde assez complexe, on croise un bouilleur qui permettra de distiller l’eau de mer pour la transformer en eau potable après ajout de chlore et de minéraux. Dans un autre coin, trône des immenses rouleaux de câbles (Dynema). Ce sont ceux qui permettent de faire descendre le carottier géant Calypso à plusieurs centaines de mètre. Ce Calypso de plusieurs dizaines de tonnes permet de réaliser des carottes de sédiments qui peuvent atteindre 70 mètres. Des records sont récemment tombés. Ces échantillonnages de sédiments permettent de remonter extrêmement loin dans le temps : une aubaine pour comprendre, par exemple, les changements environnementaux et climatiques. Nous n’aurons pas l’occasion de voir ce carottier en action. Finalement, nous traversons divers ateliers (électronique, menuiserie, …), descendons des dizaines d’échelles, empruntons plusieurs coursives pour découvrir une bonne partie du bateau. Dans une des cales, nous croisons des répliques exactes des deux hélices du bateau ainsi que de son ancre, au cas où… Finalement, nous descendons au niveau 0 du bateau 6 m sous l'eau...
Je m’active également dans la salle de biosécurité pour nettoyer mes chaussures de randonnée, mon manteau et mon sac à dos que je porterai lorsque nous descendrons à Crozet ! Au programme : brossage, rinçage, désinfection, aspirateur… Mes chaussures n’auront jamais été si propre !
Ce voyage est passionnant et atypique, c’est un avant-goût de ce qui nous attend sur l’archipel des Kerguelen !
Albatros à sourcils noirs
Salle des machines et autres
Biosécurité
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