2 décembre 2022.
Après plusieurs heures de mer et une nuit bercée de bâbord à tribord, le réveil est doux. Le petit-déjeuner est servi entre 7h et 8h30. Quel bonheur de prendre son café au petit matin face à cette immensité bleue ! Pour le moment, nous sommes cantonnés à la même table à cause du COVID et nous devons également porter le masque partout ! Dimanche 5 décembre, après un ultime test, le verdict tombera, les masques suivront peut-être ! Ce matin, nous avons eu une formation de biosécurité. Cette formation nous sensibilise aux problèmes d’introduction d’espèces invasives sur les îles australes. En gros, mais j’y reviendrai en détails, il nous faudra nettoyer nos vêtements de A à Z et de Z à A mais aussi nos sacs, nos dessous de chaussures, nos fonds de poches avant tout débarquement ! Avant de rejoindre Kerguelen, le Marion Dufresne a mis le cap en direction du nord de la Réunion : l’île Tromelin. Il est 16h00 lorsque nous atteignons le large de ce minuscule territoire français de 1 km² perdu au milieu de nulle part, un grain de poussière sur le globe terrestre. C’est sur cette terre qu’un bateau, l’Utile, avait fait naufrage le 31 juillet 1761 avec à son bord 140 marins français et 160 esclaves malgaches. Plus de la moitié de ces derniers périra, enfermé dans les cales par peur de révolution. Les autres (122 marins et 88 esclaves) arrivent à rejoindre le rivage de cette île où ils s’établiront pour plusieurs mois pour certains voire plusieurs années pour d’autres. Il est incroyable d’imaginer qu’un camp a pu être établi ici sur une terre où il n’y avait pas un arbre, pas une rivière ni un lac et quasiment aucun animal. C’est ici que 3 collègues vont débarquer pour 4 mois, en remplacement de 3 autres qui remontent sur le Marion Dufresne. On va rester au large de cette île jusqu’à samedi 4 décembre, le temps de décharger le matériel indispensable à cette micro base scientifique (3-4 bâtiments) et faire des vérifications d’installations comme la station de météo France. C’est l’occasion d’observer avec attention le vol des oiseaux endémiques de cette île (des fous masqués et à pieds rouges par exemple) et celui de l’hélicoptère chargé des caisses de matériel. Quelle belle logistique et coordination ! Puisque la mer est calme et entre 2 préparations de notre future logistique sur Kerguelen, nous en profitons pour descendre dans les cales du bateau pour y retrouver nos cantines enfermées dans une grosse caisse. En préparant la logistique, Romu, un des logisticiens de l’IPEV (institut polaire français), nous a suggéré que l’hélicoptère du Marion Dufresne (il n’y en a pas à Kerguelen) pouvait déposer du matériel dans certaines des cabanes (refuges) que nous rejoindrons au cours de notre expédition. Nous avons apporté plusieurs carottiers dont un très lourd qui nous servira uniquement sur un site. C’est donc ce matériel, accompagné de tubes, de bouchons que nous recherchons afin de les isoler avant notre débarquement pour que l’hélicoptère puisse nous les livrer à bon port. Ca nous permettra de nous alléger le dos lors de notre trek vers ce site. Dans les cales du Marion Dufresne, surtout lorsque ce dernier est en zone tropicale, la température et le taux d’humidité sont très élevés, au moins autant que dans un sauna ! Pour parfaire le tout, nous trouvons nos cantines bien rangées au fond de la grande caisse ce qui nous vaut le plaisir de défaire tout le Tetris de Romu puis de le refaire dans la foulée ! Nous sommes revenus dans le PC scientifique chargé de notre matériel, trempé de la tête aux pieds ! Cette traversée sur le Marion Dufresne est l’occasion de rencontrer beaucoup de monde d’horizons différents : des médecins, des volontaires, des chercheurs, des techniciens, des cuisiniers, d’anciens hivernants et chefs de districts, des marins… Les discussions vont dans tous les sens. Des amitiés commencent à naitre ! Les journées passent relativement vite, rythmées par les repas, les emails, les discussions scientifiques, les observations du ciel, des oiseaux et de la mer et la préparation des petites lettres à destination des scolaires. Il est 16h30 lorsque les sirènes du Marion Dufresne retentissent à nouveau. L’île de Tromelin disparait petit à petit. Trois personnes vont se retrouver seules pendant 4 mois pour travailler notamment sur le suivi des tortues marines : extraordinaire et unique ! Ce soir, on fête l’anniversaire de Sébastien, l’OPEA. Les cuisiniers lui ont préparé un superbe gâteau. Après le repas, une dernière sortie sur le pont supérieur pour contempler le ciel étoilé de l’hémisphère sud avant de m’éteindre dans ma petite bannette, cabine 4020.
Tromelin, l'île des naufragés...
L'hélicoptère en action!
Les cales du Marion Dufresne à la recherche de notre matériel
Sécurité...
Comments