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  • ludoviclesven9

Expédition vers Studer... marcher pour échantillonner! (1)


25 – 31 décembre 2021 – C’est dans l’hémisphère sud que je fêterai Noël aujourd’hui à l’autre bout du monde. Le réveillon du 24 à Port aux Français a accueilli le père Noël et ses petits cadeaux. Tout le monde n’était pas sur la base ce soir-là. Beaucoup ont fêté cela à la lueur de bougies dans une des nombreuses cabanes qui jonchent Kerguelen. Pour notre part, et puisque nos deux sorties terrain autour du 25 comportaient un départ en chaland, nous avons pu profiter de la chaleur et du bon dîner, les marins de l’Aventure II ne travaillant pas les jours fériés.


Il est 7 h, le 27 décembre, lorsque nous quittons la base, après deux jours de repos, pour cinq jours de mission, direction le Val Studer. Les sacs à dos sont chargés de matériel scientifique, d’affaires personnelles et de nourriture fraîche, celle que l’on ne trouvera pas dans les touks des cabanes. Les radios et GPS ainsi que leurs batteries sont vérifiées, la feuille de manip a été rendue. Tout est en ordre. Il reste l’appel au BSR (bureau de sécurité et radio) pour annoncer notre départ.



Nous voulons tout de même faire un petit passage par la balance pour évaluer le poids que nous aurons sur le dos lors de ce transit de 20 km : 21 kg pour moi, 20 pour Éric, autour de 17 kg pour Emily et Paul (qui est venu nous aider et que l’on appelle ici un manipeur). Tout est ok même si on se rend compte que les sacs que nous allons porter risquent d’être lourds au fur et à mesure du trajet… Quand Emily remet son sac sur son dos, une de ses bretelles se casse ! Elle a alors le droit de défaire puis refaire le classement en mode Tetris de tout son matériel dans un « nouveau » vieux sac à dos. Au bout d’une heure nous partons enfin vers le Nord-Ouest de la base. Nous avions déjà fait de début de trajet sur ce sol très caillouteux, très chaotique. C’était notre première période d’échantillonnage, lorsque le Marion Dufresne était encore au large de Port aux Français. Au bout de 3 heures de marche, nous faisons une brève halte dans la cabane « Jacky », la plus proche de la base pour une petite pause-café. Cette cabane a été récemment rénovée. Elle ressemble à un petit chalet de montagne. Sa peinture rouge extérieur et sa structure en bois rappelle les maisons norvégiennes que l’on peut rencontrer du côté de Geiranger. Bien réchauffés, nous rechaussons nos chaussures de randonnée pour poursuivre notre route vers notre destination. Après quelques dizaines de minutes de marche, nous arrivons face à une rivière qu’il va falloir franchir si on ne veut pas rallonger le parcours de plusieurs kilomètres. Nous enlevons alors nos chaussures, retroussons nos pantalons au maximum, détachons les sangles de nos sacs. Un bâton de marche dans chaque main, nous traversons alors cette petite rivière avec une hauteur d’eau d’un demi mètre, les pieds refroidis par les 5-6 °C de température de l’eau ! L’épreuve n’est finalement pas si difficile que cela mais restera mémorable ! Nous sommes assez fiers de cette première épreuve ! Il y en aura sûrement d’autres ! Nous reprenons notre route en imaginant, tant bien que mal, des chemins tracés dans les souilles, les cailloux, les tourbières, sur les flancs de montagne. Jamais la route n’apparait longitudinale. Il y a toujours des détours à faire car dans les souilles, il est possible de s’enfoncer beaucoup, vraiment beaucoup ! Il est assez surprenant de voir que son esprit finit par anticiper les passages complexes. Au final, nous pourrions presque tracer les futurs GR des Kerguelen, évitant ainsi aux futurs marcheurs de s’enliser dans des zones humides ou boueuses. En marchant, je prends le temps d’observer les paysages et de laisser mes sens s’imprégner de tout ce qui les entourent. Lorsque je m’arrête, un peu à l’écart des autres (évitant alors les bruits métalliques des bâtons de marche), et lorsque le vent est presque réduit au néant, je prends vraiment conscience du silence qui peut régner dans cet univers minéral et inerte. Les zones caillouteuses ressemblent à un paysage apocalyptique du début du monde ou de planète inhospitalière. Un regard à 360° ne laisse rien apparaitre d’autre que du minéral, du figé. Des rochers, des cailloux, des pierres, des graviers sont mélangés les uns aux autres sans règle sans harmonie. L’atmosphère dans laquelle nous marchons parait hors du temps... J’ai alors ce sentiment d’être seul au monde, d’être le premier des vivants ou le derniers survivant. Aimant particulièrement la solitude, je me rends compte qu’elle serait trop pesante ici ! Les humains sont des êtres sociaux même à différents degrés !Cette drôle d’impression, je la ressentirai plusieurs fois. Il est aussi assez fascinant de se dire que l’on marche sur certaines zones pour la première fois. De grands espaces n’ont jamais connu de perturbations humaines sur ce territoire ! En métropole, je ne sais pas s’il reste encore des espaces non explorés par l’espèce humaine… Imaginez un caillou né il y a plusieurs millions d’années. Il est parfois balloté d’un côté puis de l’autre. Parfois encore poli par le vent, le ruissellement de l’eau. Et puis, un jour, il y a cette rencontre unique avec une semelle Vibram en caoutchouc. Un contact s’établit alors entre ces deux-là ! Que vont-ils échanger ? Quelle énergie vont-ils absorber ou dégager ? Que va ressentir ce caillou ( ;-) ) ? Nul ne le sait et ne le saura jamais. Les pavés Lillois, eux, auront eu la chance d’être foulés des millions de fois ! D’autres cailloux et végétaux seront également foulés pour la première fois sur ce parcours. Est-ce une chance de voir les homos sapiens prendre possession de ce territoire vierge et authentique ?




Dans la suite du transit, les paysages seront encore grandioses, gigantesques, incroyables. Les nuances de couleurs danseront avec les alternances de ciel bleu et de nuages. Du très sec, nous passerons au très humide. Des zones très rocailleuses et dures nous circulerons sur des terrains organiques et très mous. Nos pieds s’en souviendront, nos chevilles aussi !

Après plusieurs heures de marche et plus de 30 000 pas, nous apercevons enfin la cabane Studer. Elle est constituée de 3 modules rouges. Nous nous y établirons pour 5 jours et parcourons les montagnes et rivières aux alentours.




Cette cabane est vraiment très belle et bien achalandée. Un premier module renferme le stock de nourriture réparti dans différentes touks bleues. Des boites de conserves et des produits secs sont classés (légumes, petit déjeuner, jus, …) et constituent le stock d’au moins 1 an. Ces touks avaient été déposées par hélicoptère lors de l’avant dernière rotation du Marion Dufresne (quelle belle logistique !). Tout avait été conditionné à Brest il y a déjà plusieurs mois. Un autre module contient la pièce de vie principale avec une table et une cuisine. Une gazinière permet de cuisiner presque normalement. Elle est alimenté par du gaz, également acheminé par hélicoptère ! Grace à un panneau solaire, il est possible d’avoir un peu de courant pour recharger les batteries des appareils de communication et d’orientation. Le dernier module contient 2 lits superposés ainsi que quelques couvertures. Enfin, des toilettes sèches sont installées devant la cabane. Il n’y a pas de porte : la vue sur la vallée est imprenable ! Il faut juste penser à bruler le papier toilette car ici, il ne sera pas dégradé ! Toute l’eau dont nous aurons besoin (cuisine, boisson, vaisselle…) est récolté dans un cours d’eau proche de la cabane. Nous buvons l’eau sans la filtrer. Pour le moment nous ne sommes pas malades ! Même si la cabane est très confortable, il n’y a pas de salle de bain. Nous avons pris le parti de nous laver dans le lac en contre bas de la cabane. L’eau est loin d’être chaude. Il faut un peu de courage pour affronter les 6°C. On plonge dedans une première fois. On se savonne très très rapidement. On replonge une deuxième fois en espérant que le savon soit vite rincé ! On croirait à un camp naturiste pour personne solitaire !




Lorsque vient le départ de la cabane, tous les déchets alimentaires et autres sont triés et rapportés dans nos sacs à dos vers la base !

Ce genre de cabane est très appréciable. En discutant avec les habitués des autres cabanes, on risque d’aller vers du moins bien !

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